TG - Explication de texte : Le développement

   

Expliquer un texte, c'est comme faire des maths
(Oui, je sais, on en revient toujours à eux !)


    Le développement est impérativement linéaire. Vous devez suivre, ligne par ligne, étape par étape, le texte.

    Néanmoins, notez une chose : votre travail consiste à donner une seconde vie au texte, en le présentant de manière simple, précise, argumentée. Vous ne devez pas courir derrière lui et seulement l’imiter : vous devez en quelque sorte le réorganiser. Vous devez par exemple hiérarchiser ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Trier l'information.

    Ainsi, imaginons que les cinq premières lignes du texte porte sur le langage animal. L’auteur n’a pas besoin de le dire explicitement. Il ne commencera pas forcément en disant : « Je vais commencer par traiter du langage animal ». Cela, c’est en quelque sorte votre rôle. 

    Il faut opérer ici comme en mathématique. En mathématique, lorsqu’une chaîne de calcul est trop longue, on la divise en parties simples. On commence en disant, par exemple : « Calcul de X », puis on va à la ligne, on fait le calcul, et on passe au suivant. En philosophie, c’est pareil. Un texte est comme une série de petits calculs, que l’auteur fait sans nécessairement le dire. Vous devez les repérer, et les trier, selon leur importance et leur valeur.

    Par exemple : « Descartes commence dans ce texte par traiter de la question du langage animal. Mais peut-on parler de langage à propos des animaux ? » De cette manière, vous avez annoncé la question qui occupe le premier moment du texte. Vous allez ensuite à la ligne, afin d’être plus clair, et vous expliquez le passage.


    Exemple à partir du texte de Bertrand Russell (Problèmes de philosophie) : première partie d'une explication de texte.

Dans un premier temps, Bertrand Russel commence par une thèse que l’on peut qualifier de paradoxale ou de surprenante, à savoir que c’est dans l’ « incertitude » même que réside une grande part (« largement », ce qui signifie qu’il ne réduit pas non plus la philosophie à cela) de la « valeur » de la philosophie (ligne 1) [Annonce de la thèse principale du premier moment du texte. Une fois fait, on va à la ligne]

Ce caractère paradoxal est d’ailleurs mis en relief par l’auteur lui-même, qui commence cet extrait par l’expression « en fait », comme s’il se distinguait déjà, justement, des propos que l’on tient généralement sur la philosophie [On fait attention ici à la forme, aux expressions du texte]. Un tel début peut nous suggérer [On émet une hypothèse] que l’auteur s’oppose à la thèse inverse, à savoir que la philosophie repose sur la certitude, alors qu’ « en fait » c’est le contraire. Et en effet, prenons le mot de « philosophie » dans son usage le plus courant : quelqu’un qui a « sa » philosophie, c’est quelqu’un qui a ses idées, des idées qu’il oppose à d’autres (« nous n’avons pas la même philosophie sur ça »). On utilise bien d’ailleurs le verbe avoir : nous « avons » une philosophie, comme nous « avons » des idées. On peut supposer en tout cas que c’est à cette conception de la connaissance que s’oppose ici l’auteur.

Pour défendre sa thèse, Russel utilise ce que nous pourrions appeler un argument indirect ou un argument par la négative [On prête attention à la manière d'argumenter : point capital dans une explication de texte] : « Pour montrer que ma thèse est juste, voyons ce qu’il en serait si l’on ne suit pas ma thèse ». Ce que l’on pourrait résumer ici par : « voyons ce qu’il en est des hommes qui, justement, ne connaissent par l’incertitude ». Tout ce passage se concentre donc sur la description des hommes certains ou sûrs d’eux-mêmes.

On remarquera ici une grande ressemblance entre la description qu’en donne l’auteur et celle de Platon dans le passage intitulé généralement « l’allégorie de la caverne » dans la République. On y trouve d’ailleurs la même métaphore : celle d’une prison. L’homme qui ne doute pas est comme un prisonnier, écrit Russel (ligne 2), mais au lieu d’être prisonnier d’une chose extérieure (une institution, un pouvoir politique, etc.), il est surtout prisonnier de choses intérieures, qui sont en lui, à savoir les « préjugés » (ligne 2), les « croyances » ou les « convictions ». Dans ce passage, on peut noter une sorte d’opposition entre deux séries d’élément : il y a ce qui relève du préjugé, et qui est passif (ce sont des choses qui « grandissent » en nous sans que nous nous interrogions) et ce qui relève de la raison, et qui est actif (l’auteur parle alors de « coopération » et de « consentement », ligne 4). En somme, soit nous ne nous interrogeons pas, nous recevons des opinions : et ici, le mot de préjugé est significatif (pré-jugé, c’est-à-dire ce qui n’a pas été jugé). Soit nous nous interrogeons, nous nous demandons activement ce qu’est la vérité : et cela débute toujours, estime l’auteur, par un doute.

Sans le doute, en effet, on sent que selon l’auteur un individu restera toute sa vie dans un « horizon limité » (ligne 5), avec une certaine étroitesse d’esprit. En somme, on pourrait dire que l’homme qui ne doute pas vit dans un monde où rien ne pose question, où tout est une réponse, mais une sorte de réponse automatique et médiocre. Il n’est plus capable d’envisager, écrit l’auteur, « les possibilités peu familières » (ligne 7), c’est-à-dire des explications qui sortent de ses préjugés. On peut penser, par exemple [On prend un exemple], aux premiers hommes qui, ne parvenant pas à expliquer les phénomènes physiques, climatiques, etc., estimaient que la nature était sans cesse commandée par des esprits ou des divinités. Habitués à ces croyances, les hommes vivaient dans une sorte de conformisme qui les empêchaient de penser autrement. Et la possibilité même que la nature puisse s’expliquer par des lois neutres, mathématiques, sans rien de sacré, ne pouvait sans doute pas leur effleurer l’esprit.

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