TG - Explication de texte : Introduction


Célèbre acteur à ne pas imiter : en philosophie, il faut appliquer les règles
(avoir des cheveux longs et suivre son "inspiration" ne fonctionnent pas)

L’introduction doit comporter trois étapes, qui doivent suivre impérativement cet ordre :

   1) Le thème du texte, qui vous donne l’occasion de prendre une première vue générale (le sujet du texte). Allez du plus général (« le bonheur ») au plus précis (« le bonheur et son rapport au plaisir »). « La question du langage », « la différence entre l’homme et l’animal », « le propre de l’homme », etc.,

   2) La thèse du texte, que vous devez résumer en quelques lignes (que soutient l'auteur sur ce sujet ?)
« Dans ce texte, Descartes soutient l’idée que l’homme se distingue de l’animal par sa faculté de langage. Mais c’est que l'auteur entend le « langage » dans un sens nouveau ou particulier, à savoir la faculté de…, etc. »

     3) Les enjeux du texte. C'est l'étape la plus importante : c'est à travers celle-ci que votre explication de texte gagne en tension, en dramatisation.
     Un auteur n'écrit pas pour rien ; il n'écrit guère pour le plaisir : il écrit souvent contre, il écrit avec irritation, ou colère, ou impatience, il écrit pour affirmer haut et fort quelque chose. Bref, son message possède quelque chose comme un drame. Il veut corriger la thèse de quelqu'un, rappeler un oubli, contredire un adversaire, imposer une autre vision des choses. Si vous ne sentez pas, et ne parvenez pas à reconstituer un peu ce dynamisme, votre explication restera malheureusement de l'ordre de l'exposé, ou de la fiche encyclopédique : présentation plate, sans drame, sans gravité, sans risque, sans danger, d'un texte ("L'auteur a dit ça et ça. Puis ça. Et il conclue avec ça.").

    Expliquer un texte, c'est d'abord expliquer pourquoi ce texte est fort, pourquoi il est nouveau, pourquoi il sort de l'ordinaire. 

       Il y a deux sortes d'enjeux : l'enjeu que rencontre particulièrement l'auteur du texte (1), et l'enjeu que nous rencontrons particulièrement en le lisant (2).
       Enjeux premiers, antécédents, de premier ordre (1) : ce que l'auteur pointe, dans la théorie contraire à la sienne, dans la doxa, dans ce que nous pensons en général. Par exemple, si Descartes défend l'idée que le langage des hommes est différent du langage animal, c'est qu'il estime que la thèse contraire (le contre-texte) pose problème : "Et en effet, si le langage humain n'était guère différent du langage animal, comment expliquer alors la grande différence que nous sentons parfois entre la communication animale, plutôt restreinte, et la communication humaine, apparemment indéfinie ?"
       Mais aussi, donc, enjeux seconds, postérieurs, de second ordre (2) : une fois que Descartes s'est battu sur le premier front, a présenté sa critique, une fois en somme que Descartes a parlé et publié son texte, quel problème nous, lecteurs, nous rencontrons avec son texte ? Car quelqu'un qui parle prend un risque : il s'expose, il attaque quelqu'un, mais peut à son tour être attaqué... Qu'est-ce qui pose problème à présent ? Si la thèse de Descartes était poussée à bout, quel risque, quel excès pourrait-il rencontrer ? « Mais comment expliquer dans ces conditions que les animaux paraissent eux-aussi communiquer entre eux ? La thèse de Descartes ne risque-t-elle pas d’opposer trop fortement les hommes et les animaux ? Qu’est-ce qui distingue alors la communication humaine de la communication animale ? »  

      Rappel important :
      - Le thème du texte peut aussi bien être la doxa : vous pouvez formuler l'ensemble avec un peu de ruse, afin de construire les éléments d'un paradoxe, c'est-à-dire d'un drame : 1) On pense en général que... (Doxa + thème) ; 2) Thèse de l'auteur (contraire à la doxa tiens donc !).
       - Toutes les étapes indiquées dans cette fiche sont nécessaires, mais vous avez largement le droit de les mêler un peu, de les fondre un peu, d'écrire tout cela plus littérairement et moins scolairement. Par exemple : les deux enjeux n'ont pas nécessairement besoin de suivre un ordre fixe, ni même d'être nettement séparés. Le correcteur attend un dynamisme et un problème ; il attend que vous voyiez bien dans quelle mesure un texte pose un problème (contre une thèse adverse) et pose problème (prend des risques). Mais pour cela, il n'est pas nécessaire d'écrire une introduction trop protocolaire ou rigide. Vous avez le droit de faire un peu plus librement.
     - En général, il vaut mieux s'en tenir à un premier paragraphe (thème + thèse) et un second, entièrement consacré aux enjeux.
    - N'oubliez pas enfin l'importance du petit mot "si" (et des autres, équivalents) qui vous permettront de dynamiter un peu des thèses, de les pousser à bout, de les conduire vers un danger. "Si la thèse de Descartes était absolument vraie, alors..."


Exemple à partir du texte de Bertrand Russell (Problèmes de philosophie)

    Il nous semble en général que lorsque quelqu’un sait, il ne doute pas [Phrase d'accroche]. La connaissance, en effet, est du domaine de la certitude : on n’imagine guère un scientifique être indécis ou perplexe, par exemple, sur la fait que la terre est ronde [Thème, suggéré ici sans lourdeur scolaire : la connaissance humaine]. C’est pourquoi la thèse soutenue par Bertrand Russel dans Problèmes de philosophie (1913) a d’abord de quoi surprendre [elle est paradoxale donc] : selon lui la démarche de connaissance repose d’abord sur un geste contraire, pourtant, à celui de connaître : douter, être incertain. Au point, estime-t-il, que l’incertitude fait une grande part de la valeur de la philosophie. En effet, on peut se demander si, avant de connaître vraiment les choses, il ne faut pas commencer par oublier ce que l’on croit sur elles, ce qui nous empêche de les voir comme pour la première fois : nos opinions, nos préjugés, etc. C’est pourquoi, selon Russel le doute a quelque chose de « libérateur » : s’il ne nous donne pas tout de suite la vérité, il nous sauve néanmoins des mauvaises conceptions que nous avons [large résumé de la thèse].
    Si cette problématique du doute est importante, nous comprenons bien que c’est parce que nous n’allons jamais de l’ignorance totale au savoir, mais d’un premier savoir (des convictions, des croyances) à un autre savoir [Premier enjeu : importance du débat soulevé par l'auteur]. Pour autant [marque d'un problème], on peut se demander si cette insistance sur le doute ou l’incertitude n’est pas sans risque ? En effet, si le doute est bien une chance pour le savoir, puisqu’il nous détache du préjugé, est-ce qu’il doit néanmoins être tout le temps recherché, voire uniquement recherché ? Russel n’attribue-t-il pas ici à l’incertitude une place trop prédominante, au point que le but même de la philosophie paraisse presque, non de trouver des réponses, mais de continuer sans cesse à poser des questions ? [Deuxième enjeu : risque de la thèse proposée par l'auteur]

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