TG - Explication de texte : Introduction
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Célèbre acteur à ne pas imiter : en philosophie, il faut appliquer les règles (avoir des cheveux longs et suivre son "inspiration" ne fonctionnent pas) |
Un auteur n'écrit pas pour rien ; il n'écrit guère pour le plaisir : il écrit souvent contre, il écrit avec irritation, ou colère, ou impatience, il écrit pour affirmer haut et fort quelque chose. Bref, son message possède quelque chose comme un drame. Il veut corriger la thèse de quelqu'un, rappeler un oubli, contredire un adversaire, imposer une autre vision des choses. Si vous ne sentez pas, et ne parvenez pas à reconstituer un peu ce dynamisme, votre explication restera malheureusement de l'ordre de l'exposé, ou de la fiche encyclopédique : présentation plate, sans drame, sans gravité, sans risque, sans danger, d'un texte ("L'auteur a dit ça et ça. Puis ça. Et il conclue avec ça.").
Rappel important :
- Le thème du texte peut aussi bien être la doxa : vous pouvez formuler l'ensemble avec un peu de ruse, afin de construire les éléments d'un paradoxe, c'est-à-dire d'un drame : 1) On pense en général que... (Doxa + thème) ; 2) Thèse de l'auteur (contraire à la doxa tiens donc !).
- Toutes les étapes indiquées dans cette fiche sont nécessaires, mais vous avez largement le droit de les mêler un peu, de les fondre un peu, d'écrire tout cela plus littérairement et moins scolairement. Par exemple : les deux enjeux n'ont pas nécessairement besoin de suivre un ordre fixe, ni même d'être nettement séparés. Le correcteur attend un dynamisme et un problème ; il attend que vous voyiez bien dans quelle mesure un texte pose un problème (contre une thèse adverse) et pose problème (prend des risques). Mais pour cela, il n'est pas nécessaire d'écrire une introduction trop protocolaire ou rigide. Vous avez le droit de faire un peu plus librement.
- En général, il vaut mieux s'en tenir à un premier paragraphe (thème + thèse) et un second, entièrement consacré aux enjeux.
- N'oubliez pas enfin l'importance du petit mot "si" (et des autres, équivalents) qui vous permettront de dynamiter un peu des thèses, de les pousser à bout, de les conduire vers un danger. "Si la thèse de Descartes était absolument vraie, alors..."
Exemple à partir du texte de Bertrand Russell (Problèmes de philosophie)
Il nous semble en général que lorsque quelqu’un sait, il ne doute pas [Phrase d'accroche]. La connaissance, en effet, est du domaine de la certitude : on n’imagine guère un scientifique être indécis ou perplexe, par exemple, sur la fait que la terre est ronde [Thème, suggéré ici sans lourdeur scolaire : la connaissance humaine]. C’est pourquoi la thèse soutenue par Bertrand Russel dans Problèmes de philosophie (1913) a d’abord de quoi surprendre [elle est paradoxale donc] : selon lui la démarche de connaissance repose d’abord sur un geste contraire, pourtant, à celui de connaître : douter, être incertain. Au point, estime-t-il, que l’incertitude fait une grande part de la valeur de la philosophie. En effet, on peut se demander si, avant de connaître vraiment les choses, il ne faut pas commencer par oublier ce que l’on croit sur elles, ce qui nous empêche de les voir comme pour la première fois : nos opinions, nos préjugés, etc. C’est pourquoi, selon Russel le doute a quelque chose de « libérateur » : s’il ne nous donne pas tout de suite la vérité, il nous sauve néanmoins des mauvaises conceptions que nous avons [large résumé de la thèse].
Si cette problématique du doute est importante, nous comprenons bien que c’est parce que nous n’allons jamais de l’ignorance totale au savoir, mais d’un premier savoir (des convictions, des croyances) à un autre savoir [Premier enjeu : importance du débat soulevé par l'auteur]. Pour autant [marque d'un problème], on peut se demander si cette insistance sur le doute ou l’incertitude n’est pas sans risque ? En effet, si le doute est bien une chance pour le savoir, puisqu’il nous détache du préjugé, est-ce qu’il doit néanmoins être tout le temps recherché, voire uniquement recherché ? Russel n’attribue-t-il pas ici à l’incertitude une place trop prédominante, au point que le but même de la philosophie paraisse presque, non de trouver des réponses, mais de continuer sans cesse à poser des questions ? [Deuxième enjeu : risque de la thèse proposée par l'auteur]
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